VIDÉO | Publié le 10 Décembre 2020
ImmobilierConstructionUne vidéo présentée par Alexandre Mirlicourtois
La crise de la COVID-19 a fait chavirer l’immobilier de bureaux. Le marché des grandes métropoles françaises était pourtant jusqu’alors sur une trajectoire ascendante, triomphante même. Plébiscités par les investisseurs, les montants investis progressaient de plus de 17% par an depuis 2009 pour atteindre le record de 25 Md€ en 2019. Il faut dire que le marché bénéficiait de nombreux soutiens : des rendements attractifs avec des risques limités, la faiblesse des taux d’intérêt, les tensions sur le marché, une demande de modernisation du parc locatif. Foncières, OPCI, gestionnaires d’actifs, compagnies d’assurance se sont rués sur Paris et les perspectives du Grand Paris, mais aussi la Défense, le Croissant Ouest, la Part-Dieu à Lyon… les exemples ne manquent pas.
Une demande en chute libre
Aujourd’hui, c’est un peu la Bérézina. La demande placée, c’est-à-dire le volume des transactions locatives ou ventes à l'occupant, est en chute libre. En Ile-de-France, le décrochage atteint 46,3% sur les 9 premiers mois de l’année par rapport à la même période de 2019. C’est sans commune mesure avec les chocs subis au début des années 2000 ou lors de la grande récession de 2008-2009. Conséquence, des mètres carrés, même bien placés, ne trouvent plus preneur. C’est ce qu’indique l’offre immédiate de bureaux en région parisienne qui s’établissait fin septembre à près de 3,3 millions de m², en hausse d’un peu plus de 18% sur un an. La tendance est la même dans les principales métropoles régionales. Excepté Aix-Marseille où la chute de la demande placée se limite à 4%, les krachs sont d’ampleurs comparables, s’étalant de -34% à Bordeaux jusqu’a -51% à Lille. Ensemble, ces 6 principaux marchés sont en baisse de 42%. Certes, la base de comparaison fausse un peu le diagnostic, le millésime 2019 ayant été exceptionnel, mais même rapportée à la performance des 10 dernières années, à -19%, la chute reste brutale.
Les loyers tiennent bon… pour le moment
Face à cet affaissement de la demande, les loyers tiennent bon… jusqu’à maintenant. En Ile-de-France, le loyer facial pour les biens neufs ou restructurés est en hausse de 3% sur un an, et même de 4% pour les biens de seconde main. Toutefois, ce n’est pas là que se fait l’ajustement, mais bien plus dans la progression des mesures d’accompagnement aux utilisateurs des bureaux, c’est-à-dire tous ces aménagements comme les franchises de loyers, la prise en charges de certains travaux de rénovation, du déménagement, etc. Aujourd’hui, cela représente plus de 21,3% du loyer facial. Certes, ce n’est par un record, mais c’est un chiffre en hausse rapide… de 2 points sur un an.
La violence du choc économique liée à la pandémie pèse de tout son poids. Report des déménagements, des projets de développements, l’attentisme prévaut. La réduction du poste immobilier, deuxième poste de coûts pour les entreprises de services est en outre un enjeu important dans la politique de maîtrise des dépenses. A cela s’ajoute pour les prochains mois le risque d’une vague de faillites avec à la clé de nombreuses surfaces remises sur le marché.
Essor du télétravail : les sièges sociaux en cure d’amaigrissement
Et c’est sur cette récession historique que s’installe et se généralise le télétravail. L’enquête menée par JLL, spécialiste du conseil en immobilier d’entreprise, dévoile qu’en dehors même de toute contrainte gouvernementale, tant que le risque sanitaire persiste, les entreprises envisagent en moyenne 3 jours de télétravail hebdomadaire minimum, pour les salariés occupant des emplois de bureau. Après la crise, le consensus se situe à 2 jours par semaine, soit le nombre idéal de journées travaillées que souhaitent les salariés eux-mêmes. Deux jours par semaine de 5 jours ouvrés, un rapide calcul donne ce résultat, les locaux seraient occupés 60% du temps cela fait beaucoup de bureaux vides et cela amène naturellement à reconsidérer le nombre de mètres carrés dont les entreprises vont réellement avoir besoin. Deux éléments sont à considérer :
1. les ajustements s’inscriront dans un temps long en raison de la durée des baux ;
2. évidemment, l’équation 60% d’un bureau occupé, 40% de libre ne signifie pas une équivalence en termes de surface.
Un peu comme un réseau électrique, il faut pouvoir gérer la « surcharge ». De toute évidence, les salariés se rendront à leur lieu de travail pour faire ce qu’il est impossible de faire à travers des écrans et que les bureaux se transforment plus en « hubs sociaux » pour faciliter les interactions et la collaboration. Les grands paquebots des sièges sociaux sont certainement voués à une cure d’amaigrissement. Et la situation prête parfois à sourire comme avec les GAFAM qui ont investi ces dernières années des milliards de dollars dans des sièges sociaux pharaoniques pour ensuite se tourner vers le télétravail. Mais ce n’est qu’une partie du marché de l’immobilier de bureau. Cloisonné, semi-cloisonné, flex-office, réinventer le bureau de demain prendra du temps et il n’y aurait selon les professionnels pas plus de 10 à 15% de surfaces en trop. L’entreprise sans usine était une chimère, l’entreprise sans bureau l’est tout autant.
Montée des critères ESG, essor du bureau serviciel, recyclage urbain : quels impacts sur le marché et les stratégies ?
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