Le marché de la bioanalyse

Le marché français de la bioanalyse a-t-il résisté à la crise ?

Après une croissance annuelle moyenne de 6,5% entre 2012 et 2019, le chiffre d’affaires de notre panel de laboratoires de bioanalyse va progresser de seulement 1% cette année. L’arrêt quasi-complet de certains marchés clients pendant le confinement a en effet fortement affecté les volumes de tests adressés aux laboratoires. Le secteur s’est néanmoins montré plus résilient que d’autres, l’agroalimentaire et l’industrie pharmaceutique (deux de ses grands marchés clients jugés « essentiels à la vie de nation ») ayant été relativement épargnés par la pandémie. Rappelons que les analyses alimentaires et celles de produits pharmaceutiques représentent ensemble plus de la moitié du marché français de la bioanalyse. Malgré le repli de la production alimentaire observé en 2020, les besoins en tests se sont maintenus à haut niveau, ces activités étant de première nécessité. Quant à la demande adressée aux spécialistes des analyses de médicaments, elle a été portée par les investissements en R&D des industriels pour développer un vaccin contre le Covid-19. Et si les effets de la crise continueront à se faire sentir à moyen terme, les laboratoires de bioanalyse profiteront de solides moteurs structurels à l’avenir (durcissement du cadre réglementaire applicable aux donneurs d’ordres, hausse du nombre de contrôles volontaires des industriels...). La profession bénéficiera également de la montée en puissance de tests de détection du Covid-19. Nous prévoyons ainsi une croissance moyenne de leur chiffre d’affaires de 4% par an entre 2021 et 2023, soit un rythme proche de celui d’avant la crise.

Quelles sont désormais les priorités des acteurs ?

La crise a contraint certains acteurs à engager des plans de réduction des coûts, à l’image d’Intertek qui a annoncé une pause dans sa stratégie de recrutements et un report des augmentations de salaires. Toutefois, la crise du Covid-19 est également source d’opportunités, comme l’illustre le lancement d’offres dédiées à la détection du SARS-Cov-2 sur les surfaces et dans les eaux. C’est notamment le cas d’Eurofins Scientific, Carso, Phytocontrol ou encore Groupe Qualtech. Au-delà, les opérateurs ont repensé leurs stratégies de long terme. Engagés dans une course à la taille depuis de nombreuses années, les leaders ont multiplié les rachats de laboratoires pour augmenter leurs capacités d’analyses, à l’image du très offensif Eurofins Scientific. Désormais, la phase de consolidation du marché français semble quasiment achevée, nombre d’acteurs ayant décidé de reléguer au second plan leurs stratégies de croissance externe. A titre d’exemple, Bureau Veritas a suspendu ses activités de fusions-acquisitions au premier trimestre 2020 pour préserver sa trésorerie. En revanche, l’amélioration de l’efficacité opérationnelle est plus que jamais d’actualité pour les laboratoires, soucieux de protéger leurs marges érodées par la crise. Cela passe, entre autres, par la modernisation des plateformes analytiques ou encore l’automatisation des process. En parallèle, ils s’efforcent de diversifier leur offre de services connexes à leur cœur de métier (conseil, audit, formation...) pour proposer une offre globale et s’imposer comme des interlocuteurs uniques auprès de leurs clients.

Comment s’organise le paysage concurrentiel du secteur ?

Le marché est dominé par trois acteurs historiques de la bioanalyse : Eurofins Scientific, Carso et Mérieux NutriSciences qui trustent près de la moitié du marché. Les acteurs des tests, inspections et certifications tirent également leur épingle du jeu, à l’image de SGS ou d’Intertek. Forts de leur expertise dans l’inspection technique, ils se renforcement dans la bioanalyse pour proposer une offre globale. Quelques sociétés de recherche sous contrat (CROs) ont aussi des positions fortes dans la bioanalyse de médicaments, un segment sur lequel certains leaders sont absents. D’autres profils d’acteurs, tels que des coopératives agricoles (Eureden, CAMB...) et des industriels de l’agroalimentaire (Archer Daniels Midland, Nestlé...) sont aussi présents sur le marché. Il convient de noter que la plupart des leaders couvrent les trois segments de la bioanalyse. Cela leur permet de réduire leur exposition aux évolutions conjoncturelles. Et c’est un atout alors que les rapports de forces avec leurs donneurs d’ordres leur sont défavorables. Les opérateurs privés doivent en outre composer avec le regain de concurrence émanant des laboratoires publics. C’est d’autant plus vrai que certains d’entre eux se sont regroupés au sein de groupements d’intérêt public pour mutualiser leurs coûts et élargir leur offre de prestations.