AVIS D'EXPERT | Vincent Desruelles | Publié le 07 Mars 2022
ImmobilierDéjà perceptible avant la crise, la redistribution géographique de l’immobilier de logements a connu un véritable coup d’accélérateur l’an dernier. La volonté d’une majorité des Français d’habiter un logement individuel, l’attrait des villes moyennes et du Grand Ouest, le désir de s’installer en zones rurales ou encore la perte d’attractivité des zones surpeuplées, à commencer par la région parisienne, ont en effet joué à plein. Remarquons au passage que ce sont des villes ou zones déjà jugées « désirables » (Nantes, Angers, Le Mans, côte Atlantique…) qui redessinent cette nouvelle carte de France de l’immobilier. Tirée par les villes moyennes et les zones côtières mais aussi par un effet rattrapage après la pause de 2020 liée aux confinements, l’année 2021 a ainsi été celle de tous les records. Dans l’ancien, les prix ont flambé de 6,4% pour un coût moyen du mètre carré de près de 3 000 euros, tandis que les ventes ont frôlé la barre des 1,2 million. Dans le neuf, les mises en chantier (+11% à 387 000 unités) ont dépassé leur niveau de 2019, portées par l’individuel, mais l’activité des promoteurs est restée sous son niveau d’avant-crise. En clair, le télétravail - qui concerne une population restreinte - a impulsé de nouvelles dynamiques territoriales sans pour autant entraîner d’exode urbain. Une donnée dont les acteurs de l’immobilier devront tenir compte aussi bien en termes d’offres que de zones d’implantation sur le territoire.
D’ici 2023, les capacités d’investissement des ménages profiteront de l’épargne accumulée et de la hausse des revenus. Et malgré une remontée graduelle des taux des crédits immobiliers, les conditions de financement resteront favorables. Ces crédits seront de fait encore et toujours des produits d’appel pour les banques. Dans l’ancien, les ventes se replieront au rythme de 6% par an environ pour revenir peu à peu à des niveaux plus conformes aux tendances de moyen terme. Supérieur à la barre symbolique du million, le nombre de transactions demeurera toutefois élevé. Les prix poursuivront eux leur ascension (+5,2% en 2022 et + 2,8% en 2023 selon les prévisions), tirés par les villes moyennes et les zones côtières. Dans le neuf, le rebond se confirmera avec une reprise de l’activité des promoteurs dont l’offre est bien reconstituée. Portées par une demande en accession et investissement, les ventes de détail augmenteront (+5,6% en 2022 et +6,7% en 2023 d’après les prévisions de Xerfi Precepta), tout comme celles des constructeurs de maisons individuelles. Les prix subiront eux l’impact de l’entrée en vigueur de la RE 2020 pour les permis de construire déposées après le 1er janvier 2022.
Dans l’ancien, les mouvements vers les zones moins denses, qui ont entraîné une inversion des dynamiques de prix entre l’Ile-de-France et les régions, vont persister. La croissance restera ainsi portée par le périurbain, les villes moyennes, les zones côtières et la campagne. La désaffection pour les zones urbaines et hyper centres sera très relative et les prix continueront d’augmenter. Les évolutions nationales des indicateurs immobiliers masquent toutefois de fortes disparités. Alors que les prix en Ile-de-France progresseront de seulement 2,2% en 2022 et 1,2% en 2023 (contre 3,6% en 2021), la hausse en régions atteindra respectivement 5,9% et 3,3% (7,6% l’an dernier). Rappelons que si les ventes ont bondi de 34,8% dans la Creuse en 2021, elles ont en revanche reflué de 5% à Paris, le seul département à avoir enregistré une baisse du nombre de transactions l’an dernier. Et alors que les prix ont flambé dans la plupart des grandes villes de province l’an dernier, ils sont restés pratiquement stables dans la capitale (+0,6%).
Plusieurs éléments sont néanmoins susceptibles d’entraver ces perspectives d’un niveau élevé des ventes et des prix à l’horizon 2023. Le saut pour la propriété pourrait ainsi se compliquer sérieusement pour les primo-accédants si les taux devaient augmenter. Le retour de l’inflation grignote leurs budgets alors que les prix élevés du mètre carré supposent de disposer de revenus toujours plus importants ou d’un capital hérité. Et les nouvelles règles prudentielles du Haut conseil à la stabilité financière, en vigueur depuis début janvier, ne vont rien arranger alors qu’il faut aujourd’hui mobiliser l’équivalent de cinq années de revenus pour acheter un bien contre 2,5 ans avant 2000, limitant de facto l’accession aux seuls ménages aisés. Par ailleurs, l’entrée en vigueur du nouveau diagnostic de performance énergétique (DPE) va accroître le nombre de biens considérés comme des « passoires énergétiques », les rendant ainsi plus difficiles à vendre et/ou à louer. Quant aux coûts de construction dans le neuf, ils pourraient exploser avec l’entrée en vigueur de la RE2020 (+10% pour un logement collectif et jusqu’à 10% pour les maisons) et le renchérissement des matériaux.
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