AVIS D'EXPERT | Damien Callet | Publié le 22 Novembre 2021
SantéIndustrieIl est vrai que la crise sanitaire a propulsé l’industrie des principes actifs pharmaceutiques (API) au rang d’activité stratégique dans l’Hexagone. Celle-ci a en effet révélé au grand public l’extrême dépendance des pays occidentaux à l’égard des fournisseurs asiatiques de médicaments, Chine et Inde en tête. Après une hausse de 4% et 6% respectivement en 2020 et 2021, l’activité des fabricants d’API restera bien orientée en France, en hausse de 7% par an en moyenne à l’horizon 2025, selon nos prévisions. Les investissements annoncés depuis le début de la crise sanitaire par certains des leaders deviendront réalité, entraînant une hausse des capacités de production nationales. Et ce, alors que le plan de relance a prévu de renforcer les aides financières destinées aux projets visant à accroître la production tricolore d’API. Parmi les investissements d’envergure qui devraient se concrétiser en 2022/2023, figurent ceux du groupe Servier qui a débuté la construction d’une nouvelle unité de production sur son site de Bolbec (Seine-Maritime) pour, à terme, doubler la production du principe actif du Daflon (qui devrait atteindre 3 000 tonnes par an). Les laboratoires Pierre Fabre ont, eux, investi 4,5 millions d’euros dans leur usine de Gaillac (Tarn) pour relocaliser la production du binimetinib et de l’encorafénib. Quant à Seqens, il ambitionne de produire 10 000 tonnes de paracétamol par an à partir de fin 2023 ou début 2024 dans sa nouvelle unité de production à construire sur son site de Roussillon (Isère). Certes, les projets de relocalisation de la production de certains principes actifs en France dynamiseront l’activité sectorielle à court et moyen termes. Leur impact reste pourtant incertain et rien ne dit que la chimie fine sera une arme de relocalisation massive. Cette dernière ne concernera, en effet, que les médicaments à forte valeur ajoutée et portera le plus souvent sur de faibles volumes. Elle se fera, par ailleurs, à l’échelle européenne et pas uniquement française. Au-delà des effets d’annonces, des obstacles aux relocalisations subsistent, liés notamment aux coûts (estimés à près de 150 millions d’euros) et aux délais de construction de nouvelles usines (environ trois ans). Rappelons également que le poids de la France dans les exportations mondiales de principes actifs a été divisé par deux en 20 ans pour s’établir à 3% en 2020, résultat des nombreuses délocalisations et fermetures de sites. Une part qui devrait progresser d’ici 2025 tout en restant loin des niveaux des années 2000.
Au-delà des investissements capacitaires de certains leaders, la croissance de l’activité de la chimie fine reposera également sur l’innovation, et en particulier sur les avancées liées à la chimie en continu (ou chimie de flux). Alors que la production d’API s’effectue traditionnellement par lots (chacun étant séparé et soumis à une succession d’étapes avec de nombreux transferts de chaleur ou de matière), la chimie de flux permet de limiter les transferts et d’accélérer la synthèse. Parmi ses différents avantages, citons la réduction des apports de solvants mais aussi des émissions de déchets et de polluants ou encore l’amélioration de la sécurité et de l’efficacité énergétique des processus. Plusieurs acteurs présents en France se sont déjà emparés de cette technologie, à l’instar de Seqens. Les leaders prennent également le virage des principes actifs hautement actifs (HPAPI). Ces derniers, qui représentent près du quart des nouvelles molécules chimiques de synthèse, sont surtout utilisés dans les processus de fabrication de médicaments appartenant à des domaines thérapeutiques en forte croissance (comme par exemple l’oncologie). La concurrence mondiale est par ailleurs réduite sur ce segment, limitant de facto les pressions tarifaires. D’où les nombreux investissements annoncés en matière de molécules de haute activité.
Alors que leur poids dans l’industrie des API s’est sensiblement étoffé ces dernières années, les CMO (Contract Manufacturing Organization) resteront offensifs à l’avenir. Deux des leaders s’apprêtent d’ailleurs à franchir un nouveau cap dans leur développement dans la foulée de leur rachat par des fonds d’investissement étrangers, déjà chacun propriétaire d’un fabricant de principes actifs. Novasep est ainsi en négociations exclusives avec le Britannique Bridgepoint tandis que Seqens devrait tomber dans l’escarcelle de SK Capital. Ces deux sous-traitants semblent les mieux placés pour profiter du mouvement de relocalisation partiel de la production d’API. A l’inverse, le poids des laboratoires pharmaceutiques poursuivra sa décrue. Avec la sortie annoncée par Sanofi de la production d’API pour tiers, les industriels du médicament n’emploieront plus que 35% des effectifs sectoriels en 2022, contre 47% en 2020 et 65% en 2013. Aujourd’hui, le déclin de l’industrie française des API semble enrayé. Deux des principaux moteurs de croissance de l’activité des sous-traitants sont pourtant en train de s’essouffler. D’abord, les possibilités de reprise de sites auprès des laboratoires pharmaceutiques sont de plus en plus rares, suite aux désengagements massifs opérés par les industriels ces dernières années. Ensuite, le taux d’externalisation de la production de principes actifs des laboratoires auprès des CMO atteint déjà entre 60% et 70% à l’échelle mondiale. Par ailleurs, la viabilité des relocalisations en France est loin d’être assurée face aux concurrents étrangers, notamment asiatiques, qui profitent d’un coût du travail moins élevé et de réglementations environnementales moins strictes.
Nouveaux défis et scénario prospectif 2025 pour l'industrie des API
Recevez par email toute l’actualité liée au secteur :
Les données collectées serviront uniquement pour vous envoyer les lettres d'information. Vous pouvez à tout moment utiliser le lien de désabonnement intégré dans chaque envoi. En savoir plus dans notre politique de confidentialité.
À lire aussi
INFORMATION
xL’étude Xerfi Previsis vous a été transmise par courriel. Cliquez sur le lien disponible dans cet email pour accéder gratuitement à la parution du mois.
Notre équipe met tout en oeuvre pour vous répondre dans les plus brefs délais.
L’ÉTUDE A ÉTÉ AJOUTÉE A VOTRE PANIER
POURQUOI UN COOKIE ?Continuer sans accepter >
Le groupe XERFI utilise et stocke des informations non sensibles obtenues par le dépôt de cookies ou technologie équivalente sur votre appareil. L’utilisation de ces données nous permet de mesurer notre audience et de vous proposer des fonctionnalités et des contenus personnalisés. Nous souhaitons ainsi nous assurer que nous fournissons l’expérience la plus informative pour nos visiteurs.
Les données stockées par XERFI ne sont en aucun cas partagées avec des partenaires ou revendues à des tiers à des fins publicitaires. Vous pouvez librement donner, refuser ou retirer à tout moment votre consentement en accédant à notre page de gestion des cookies.
PERSONNALISEZ LE STOCKAGE DE VOS DONNÉES
Vous pouvez librement et à tout moment modifier votre consentement en accédant à notre outil de paramétrage des cookies.