Plan de sobriété hydrique ou la révolution industrielle de la gestion de l'eau

Confrontées à l'urgence d'une diminution inéluctable de la disponibilité en eau douce, les industries revoient drastiquement leurs stratégies d'utilisation de cette ressource essentielle. Si les grands groupes ont été précurseurs, les PME s'orientent également vers une gestion plus économe de l'eau. En parallèle, le paysage du traitement de l'eau subit une refonte majeure, la fusion Veolia-Suez ayant rebattu les cartes du jeu concurrentiel.

Ressource stratégique pour de nombreux industriels, la raréfaction de l’eau douce à l’avenir impose de nouveaux défis. Les entreprises, notamment les plus consommatrices d’eau, et les pouvoirs publics tentent de s’adapter à cette nouvelle donne. Le « Plan Eau » du gouvernement, présenté en août 2023, ambitionne ainsi une baisse des prélèvements de 10% à l’échelle du pays d’ici 2030. Du côté des industriels, les efforts engagés dans l’optimisation des processus et la désindustrialisation ont déjà entraîné un recul de la consommation d’environ 30% ces deux dernières décennies. Dans le cadre de la transition écologique, l’eau s’est imposée comme une composante clé des stratégies RSE des industriels. De grands groupes ont ainsi intégré à leur politique environnementale des objectifs chiffrés de réduction de leur consommation d’eau : -25% pour Sodiaal et -33% pour Michelin entre 2019 et 2030 ou encore -50% pour Saint-Gobain entre 2017 et 2030.

Des nouveaux marchés à conquérir

Après les grands groupes, les PME s’engagent à leur tour vers la sobriété hydrique. Comme les gros consommateurs, les petites et moyennes entreprises sont, elles aussi, confrontées à des sécheresses à répétition et à un durcissement des restrictions sur l’usage de l’eau. De quoi les inciter à déployer ou, dans certains cas, à renforcer leur politique en la matière. Elles ont toutefois pris le virage de l’efficience hydrique plus tardivement que les grands groupes en raison de ressources plus limitées pour financer les investissements ou encore d’absence de politique RSE. De nouvelles opportunités de marché s’ouvrent par ailleurs pour les acteurs de la gestion et du traitement de l’eau du côté de l’industrie « verte ». La décarbonation de l’économie s’accompagne en effet de l’essor de nouvelles filières qui sont pour certaines d’importantes consommatrices d’eau, à l’image de la fabrication de batteries, du recyclage des plastiques ou de l’assemblage de panneaux solaires.

L’OPA de Veolia sur Suez a rebattu les cartes

Le marché du traitement de l’eau en entreprise était historiquement dominé par les deux géants mondiaux des services environnementaux Veolia et Suez. Finalisée début 2022, l’OPA de Veolia sur Suez a changé la donne. Veolia s’est considérablement renforcé avec l’acquisition d’une large partie des activités de son rival historique et notamment de Suez Water Technologies & Solutions. Saur et Séché Environnement ont profité de l’opération pour faire leurs emplettes. Dans le cadre de cessions imposées par Bruxelles, la Saur a en effet racheté à Veolia ses services mobiles de traitement de l’eau en Europe. Séché Environnement a quant à lui mis la main sur une partie des activités françaises de Veolia dans les eaux industrielles (Veolia Industries Global Solutions). Aux côtés des acteurs historiques de la gestion de l’eau, le marché compte aussi de nombreux nouveaux entrants qui misent sur les ruptures technologiques pour s’imposer comme des acteurs clés, par exemple sur le segment du dessalement de l’eau de mer (Osmosun, Seawards, etc.).