AVIS D'EXPERT | Lauric Berthier | Publié le 08 Novembre 2021
ImmobilierLa possibilité de mettre un bien immobilier en location va de plus en plus dépendre de sa performance énergétique et de ses émissions de gaz à effet de serre, avec à la clé d’éventuels travaux de rénovation énergétique. La note obtenue via le diagnostic de performance énergétique (DPE), en vertu des dispositions de la loi Climat résilience promulguée en août 2021, va en effet peu à peu conditionner l’accès au marché locatif. Dès 2023, 1,7 million de logements classés F et G ne pourront ainsi plus faire l’objet d’une hausse de loyer lors d’un renouvellement de bail ou d’une nouvelle location. Puis une interdiction de location s’appliquera pour les biens classés G et F respectivement en 2025 et 2028. Les diagnostiqueurs pourront aussi compter sur le nouveau DPE, entré en vigueur en juillet dernier et qui prévoit que les évaluations réalisées avant le 1er janvier 2018 devront être renouvelées avant fin 2022 puis avant fin 2024 pour toutes les autres. Le haut niveau des transactions dans l’ancien soutiendra également la demande. Les repérages amiante avant-travaux et démolition, principal segment dans le BtoB, profiteront eux du rebond dans la construction. Dans ces conditions, le chiffre d’affaires des professionnels (panel Xerfi) augmentera de 5% par an d’ici 2023. Dans ce contexte favorable, les menaces et facteurs de tension seront en réalité concentrés sur les prix. Un enjeu tarifaire qui devrait se traduire par une consolidation du secteur sur fond de montée en expertise alors que les diagnostiqueurs « solos » composent l’essentiel du tissu économique. Toujours du côté de la réglementation, l’extension du diagnostic déchets aux réhabilitations significatives à partir de 2022 et du marché adressable du DPE constitueront des moteurs non négligeables pour le marché (fin des DPE vierges ou sur factures). Si la croissance des ventes dans l’ancien devrait ralentir après le rebond de 2021, les volumes de transactions ne devraient pas retomber sous la barre symbolique du million d’unités à moyen terme. De la même façon, la bonne tenue du marché de l’emploi, alors que les craintes des ménages sur leurs revenus futurs vont s’estomper, favoriseront les projets de déménagement. En clair, la hausse de la mobilité résidentielle soutiendra les missions de diagnostics réglementaires afférentes à la location. Si les marchés immobiliers et la construction soutiendront la croissance du marché tricolore du DPE, l’avant-travaux constituera également un débouché porteur entre la raréfaction du foncier, l’obligation de repérage de l’amiante qui gagne de plus en plus d’environnements différents et la hausse des missions de repérage liées aux travaux de rénovation.
Or, face à cette demande croissante de DPE, il faut savoir que seulement 40% des diagnostiqueurs appartiennent à un réseau ou sont salariés d’un groupe leader. D’où la nécessité de se structurer. A cet effet, les enseignes activent en réalité trois grands leviers. Etendre sa présence territoriale est le premier d’entre eux. Cela passe par des opérations de croissance externe ou le recrutement de nouveaux franchisés. Hypérion Développement a ainsi mis la main sur Expertam cette année (repérage amiante auprès des acteurs du bâtiment). Les grandes entreprises du secteur cherchent à renforcer leur maillage territorial, compte tenu de l’importance de la proximité dans la profession et de la demande dans les régions secondaires où ils sont parfois encore peu développés. A ce titre, la franchise reste la voie privilégiée tandis que les groupes intégrés lancent des campagnes de recrutement offensives à l’instar de Socotec ou Bureau Veritas. Les enseignes s’efforcent également de renforcer leur attractivité auprès des aspirants diagnostiqueurs grâce à des conditions d’entrée privilégiées (absence de coûts d’adhésion par exemple comme chez BC2E) ou encore via l’extension des packs de services mis à leur disposition (soutien juridique apporté aux adhérents alors que les nouvelles règles d’opposabilité du DPE instaurent une responsabilité accrue des professionnels). Enfin, la formation est un actif hautement stratégique au sein d’une profession de reconversion et en tension alors que plus d’un millier de postes sont à pourvoir dans l’Hexagone (comme par exemple le centre de formation de BC2E accessible à tous les diagnostiqueurs de France et qui permet d’engranger des revenus supplémentaires).
Le segment du BtoB poursuit lui aussi sa structuration à marche forcée. Les données collectées lors des repérages amiante avant-travaux constituent par ailleurs une mine d’or pour les acteurs du BtoB, désireux de construire une offre crédible dans la numérisation du bâti et l’accompagnement des gestionnaires de patrimoine (bailleurs sociaux, collectivités, entreprises…). Les leaders du segment ont ainsi lancé les grandes manœuvres pour profiter des retombées importantes attendues dans l’entretien-rénovation et la démolition. AC Environnement a ainsi créé une nouvelle filiale baptisée Digiliance, dédiée à la numérisation des bâtiments pour le compte de gestionnaires de biens. Au final, la collecte et l’analyse des données recueillies peuvent permettre d’accélérer la mutation des acteurs du diagnostic vers un modèle de « bureau d’études de l’existant ». Le chemin s’annonce semé d’embûches en raison d’un champ concurrentiel bien plus vaste composé notamment des bureaux de contrôle mais aussi des bureaux d’études et sociétés d’ingénierie qui jouissent d’une forte crédibilité dans ce domaine. Compte tenu des risques dont protègent les diagnostics et de la technicité des opérations, l’accès à la profession est largement réglementé. Les diagnostiqueurs doivent en effet être certifiés par un organisme accrédité par le Cofrac sur chacun des diagnostics proposés. Plus de 55 000 certifications actives ont été recensées en 2021, portées par 11 600 personnes. Si les profils de compétences sont variés, les généralistes dominent le marché. Près de 4 300 professionnels disposent de l’ensemble des certifications pour la réalisation des diagnostics réglementaires portant sur l’immobilier ancien (vente ou location).
Entre crise immobilière, évolutions réglementaires et quête de professionnalisation
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