Une vidéo présentée par Olivier Passet
Avec la crise et la rechute pandémique, plus que jamais les GAFAM sont devenus les maîtres du monde. Mais bien plus largement, c’est toute l’économie des plateformes, de la tech et de la santé qui a renforcé son ascendant sur le reste de l’économie.
GAFAM : 23% du S&P500 en octobre 2020
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Comparativement à leurs bénéfices pré-Covid, Microsoft a ainsi réalisé depuis le début de la pandémie près de 19 milliards de dollars de profits supplémentaires, Google plus de 7 milliards et Amazon, Apple et Facebook plus de 6 milliards chacun. Mais au-delà de ce club, d’autres groupes de la tech ont été portés par la crise : Intel, Cisco Systems, Oracle ou même Tesla. Un vent porteur qui a embarqué aussi les grands laboratoires pharmaceutiques, Merck ou Johnson & Johnson en tête.
Les capitalisations boursières sacrent cette nouvelle suprématie. Les GAFAM monopolisent maintenant les 5 premières places de la cote, Apple en tête. Et à elles seules, ces entreprises capitalisaient fin octobre 2020 plus de 23% du S&P500, quand cette part était voisine de 14,5% il y a deux ans et paraissait déjà énorme. Cela fait plus de 55 ans que l'indice élargi n'avait pas connu pareille concentration. La progression des cours de ces entreprises est en effet fulgurante : Apple, Microsoft et Amazon ont fait plus que doubler leurs cours depuis le premier janvier 2019. Et pour prendre la mesure de cet ascendant, il suffit de mesurer la progression des cours des valeurs technologiques depuis leurs précédents pics déjà vertigineux auxquels ils culminaient avant la crise financière de 2007-2008. Les tech proprement dites, de l’information et de la communication ont vu leur valeur multipliée par 5. Le secteur des biens de consommation discrétionnaires a vu ses cours multiplié par 4, emporté par Amazon dont les cours ont été multipliés par 35. Quant au secteur de la santé et de la pharmacie, il a vu ses cours multiplier par 3.
Une position névralgique au sein de l’économie
Ces évolutions en disent long sur la position névralgique de ces entreprises. Leur poids boursier n’est évidemment pas le reflet de leur poids réel dans l’économie, du point de vue de l’emploi et du chiffre d’affaires ou même des profits qu’elles dégagent. Prises dans leur ensemble, elles mobilisent à peine plus d’un million d’emplois dans le monde. Cette déconnexion est encore plus vraie pour d’autres géants du Net, comme par exemple Netflix, Spotify ou Tesla. Et c’est finalement le nombre d’utilisateurs qui se comptent par milliards à travers la planète et qui confèrent un pouvoir de réseau et une position dominante qui s’auto-renforce avec le temps à quoi renvoient ces valorisations. Les cours incorporent ainsi une rente de monopole, et ce faisant, les investisseurs donnent à ces entreprises des moyens démesurés, quasi-illimités, qui consolident cette rente.
Alors même qu’avant la crise, le débat sur la nécessité d’une législation anti-trust commençait à monter en puissance, le choc sanitaire a sacré ces géants du privé à la tête de biens communs. Réseaux d’information et santé sont apparues come l’épine dorsale, pour ne pas dire le système nerveux vital du système productif. Grâce à elles, le capitalisme a évité l’embolie : le télétravail, la téléconférence, le e-commerce ont permis de contourner les obstacles physiques de la production. Et il est apparu au grand jour que la santé ne pouvait plus être considérée comme le parent pauvre d’une société qui prétend bâtir sa prospérité sur le capital humain.
Le jeu de concentration promu par les gestionnaires d’actifs
Tout cela corrobore ce que nous supputons depuis des années. L’économie de demain n’est pas en rupture avec le monde d’avant. Elle est son prolongement avec des superlatifs : hyper-digitalisée, hyper financiarisée, hyper-concentrée. Rien ne semble arrêter le cours d’une histoire qui s’accélère choc après choc.
En arrière-plan, les fonds de gestion d’actifs géants, les Blackrock, Vanguarde, State Street qui sortent indemnes de la crise, apparaissent de plus en plus comme le pivot d’un système financier où les banques et la banque centrale ne sont plus que des pourvoyeurs de liquidité sans limite, pompant, purgeant et finalement portant le risque financier que les investisseurs refusent d’endosser. La concentration des gestionnaires d’actifs est telle, leur poids dans les grands secteurs de l’économie est tel, leur couverture au sein d’un même secteur est telle, détenant une part majoritaire à la fois des prédateurs et des cibles potentielles, qu’ils deviennent les premiers promoteurs d’un jeu de concentration qui a les Gafam ou les futurs géants de la tech pour pivot.
Cette histoire s’écrit sous nos yeux. Le mouvement de fusions-acquisitions reprendra de plus bel en sortie de crise, profitant de la dépréciation de certaines entreprises et s’organisant autour de celles qui se sont renforcées dans la crise. Et si le monde d’après semble encore plein d’incertitudes, ce volet-là de l’histoire voit son récit s’emballer.
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