La location saisonnière, dopée par le tourisme domestique

Quels sont les atouts de la location saisonnière dans une industrie du tourisme en berne ?

Précisons en préambule que notre étude porte sur les meublés touristiques, à l’image de ceux proposés sur les plateformes CtoC type Airbnb mais aussi sur les hébergements intégrés au sein de résidences de tourisme et de villages de vacances. La location de mobile-homes meublés ainsi que d’hébergements « insolites » (cabanes dans les arbres, roulottes, tipis, yourtes, etc.), principalement dans le cas d’infrastructures installées dans les campings, a également été retenue. En revanche, nous avons exclu de notre périmètre les séjours en chambres d’hôtes. Dans un contexte sanitaire encore tendu, le marché de la location saisonnière séduit car il est en phase avec les attentes des vacanciers en quête de confort, de calme et d’indépendance mais aussi grâce une offre de logements renouvelée et thématique ainsi qu’à sa capacité à répondre aux préoccupations en matière de sécurité sanitaire. Il répond aussi aux tendances de voyages en tribus (famille élargie et amis) et de workation (contraction de work et vacation) des télétravailleurs. Sans oublier, bien sûr, le regain d’intérêt des Français pour le tourisme domestique. Dans ces conditions, le marché est reparti de l’avant en 2021 (+ 21,6% de chiffre d’affaires), après le plongeon de 2020. Notons au passage que les emplacements locatifs dans les campings et les locations entre particuliers sont arrivées en tête des solutions d’hébergement privilégiées par les Français. Le réseau Gîtes de France a ainsi enregistré un chiffre d’affaires record en 2021, tout comme Airbnb qui a en outre dépassé celui de 2019. Ce sont d’ailleurs ces deux segments qui tireront le marché d’ici 2024 puisque les emplacements équipés en campings et les locations entre particuliers représenteront respectivement 17% et 23% des nuitées (soit trois points et 1 point de plus qu’en 2019), à la faveur des efforts de montée en gamme pour les premiers et à la hausse du nombre de logements pour les seconds, d’après nos prévisions. Par rapport à 2019, les résidences de tourisme perdront, elles, deux points (13% des nuitées) tandis que les villages vacances resteront stables (5%).

 

Qu’en est-il de la concentration dans la distribution de meublés de tourisme ?

Aujourd’hui, Airbnb (avec plus de 600 000 annonces à son actif et environ 5,4 millions de visiteurs chaque mois), Adevinta (Leboncoin), Booking.com, Tripadvisor et Expedia (Abritel) dominent le marché français (fort de plus de deux millions d’annonces de locations saisonnières en 2021). D’autres acteurs ont choisi d’en sortir à l’image de Seloger qui a cédé ses plateformes (amivac.com…) pour se recentrer sur son cœur de métier au début de cette année. Et la concentration dans la distribution de locations saisonnières a toutes les chances de monter d’un cran. Les leaders bénéficient de puissants effets de réseau qui alimentent leur pouvoir de marché. Et ils redoublent d’efforts pour se rendre indispensables aux yeux des vacanciers (fonctionnalités, campagnes marketing, gratuité des publications…). Avec son interface Google Travel dotée d’une rubriqué dédiée à ce type d’hébergement, Google est en réalité le seul trublion potentiel, susceptible de rebattre les cartes de la distribution de locations saisonnières. Le géant américain avance pour l’instant à pas comptés sur le marché du e-tourisme.

 

Quels sont les axes de développement privilégiés ?

Malgré la crise, les gestionnaires de villages vacances et résidences tourisme ont d’ambitieux plans de développement. Pierre & Vacances – Center Parcs prévoit notamment de se doter de 2 000 logements supplémentaires d’ici 2025. Parallèlement à l’expansion de leur parc, les gestionnaires poursuivent leurs efforts de montée en gamme. Il s’agit à la fois de mettre les logements au goût du jour mais aussi d’en améliorer le standing. Dans l’hôtellerie de plein air, les campings se focalisent sur la conversion de terrains nus en emplacements locatif (mobile-homes, tentes équipées…). Mais c’est surtout le tourisme vert et durable qui représente un enjeu majeur face à la menace croissante de standardisation. Pour l’instant, les acteurs ont tendance à privilégier les labels pour faire valoir leur engagement en matière de développement durable. Cette vague verte pourrait pourtant redessiner la location saisonnière à terme d’abord en raison de l’intérêt des voyageurs pour les hébergements à taille humaine et ensuite en raison du renouveau du tourisme rural qui profite aussi bien au réseau Gîtes de France qu’à la plateforme Airbnb dont la présence dans certaines grandes villes est de plus en plus décriée.

 

Alexandre Boulègue est directeur du bureau d’études Xerfi Intelligence Stratégique, qui produit chaque année plus de 1000 études sur la conjoncture et les performances des entreprises de l’ensemble des secteurs de l’économie française. Il est également rédacteur en chef de la lettre d’information mensuelle sur la conjoncture Xerfi Prévisis.