AVIS D'EXPERT | Flavien Vottero | Publié le 28 Mars 2022
Services aux entreprisesLes cabinets de conseil en stratégie et organisation/management ont plutôt bien traversé la crise. Après un repli de 5% en 2020, le chiffre d’affaires d’un panel de professionnels du consulting a ainsi progressé de 10% en 2021. De tous les acteurs, les cabinets de stratégie à dimension mondiale (McKinsey, The BCG, etc.) et les pôles conseil des cabinets d’audit (PwC Consulting, EY Consulting, etc.) ont connu le plus fort taux de croissance de chiffre d’affaires entre 2014 et 2020 grâce à d’importantes opérations de croissance externe au cours de la période. Et les cabinets semblent entrer dans une phase de forte croissance, portée par la double révolution des entreprises : l’accélération de la transition digitale et la montée en puissance des enjeux RSE. Les leaders étoffent également leur offre dans l’asset based management, les due diligence pour le private equity ou encore le coaching. Le chiffre d’affaires du secteur augmentera ainsi de 12% en 2022 et 10% en 2023, selon nos prévisions. Il y a pourtant un revers de la médaille, la gestion des RH se complique sérieusement et la vague des démissions menace d’entraver l’activité. Cela se traduit par des tensions sur leurs coûts. D’ailleurs, selon notre analyse financière exclusive, la guerre des talents met déjà à mal les marges. Le taux d’excédent brut d’exploitation a ainsi cédé plus d’un point pour tomber à 5,3% en 2021, d’après nos calculs.
La financiarisation émergente des cabines de conseil revêt aujourd’hui deux aspects. La première est L’arrivée de fonds d’investissement au capital des acteurs du mid-market (montée de Crédit Mutuel Equity dans Kea & Partners, d’Argos Wityu dans Julet Sterwen, LBO de Ailancy…), attirés par des perspectives très florissantes. L’introduction en Bourse de sociétés de conseil est la seconde forme de financiarisation. C’est l’exemple d’Alan Allman Associates, coté depuis avril 2021. Ces mouvements dans l’actionnariat des cabinets de taille intermédiaire pourraient bien redistribuer les cartes du jeu concurrentiel dans la mesure où ils apportent aux acteurs concernés des capacités d’investissement inédites. Cette recomposition actionnariale met aussi au défi les cabinets installés qui doivent affronter dans le même temps l’offensive des géants de l’audit et des groupes de communication. Car six catégories d’acteurs se disputent aujourd’hui le marché : les cabinets mondiaux à dominante stratégie (BCG, McKinsey, Bain ou Roland Berger), les Big 4 de l’audit (PwC Advisory, EY Advisory, KPMG Conseil et Deloitte Conseil), les filiales dédiées au conseil des entreprises de services numériques (Capgemini Invent, IBM Global Services, etc.), les acteurs historiques du conseil ayant développé très tôt une expertise dans la transformation digitale (Accenture, Wavestone, Bearing Point, etc.), les généralistes du consulting (Sia Partners, Eurogroup, etc.), et les cabinets spécialisés (sur une fonction ou un secteur – hors IT). Aux côtés des opérateurs « traditionnels » du conseil, une multitude d’acteurs aux profils hétérogènes interviennent aussi de près ou de loin, comme les consultants indépendants ou les groupes de communication (comme Havas avec The Salmon Group). Accenture , IBM et The Boston Consulting Group (BCG) constituent le top 3 du marché.
La gestion des ressources humaines est au cœur des enjeux stratégiques des cabinets de conseil. Ils adoptent de nouvelles pratiques pour recruter comme le social recruiting qui consiste à utiliser des réseaux sociaux professionnels comme LinkedIn pour recruter. Les cabinets font aussi de plus en plus appel aux collaborateurs dans le processus de recrutement. Il faut dire que les consultants sont les meilleurs ambassadeurs de la marque employeur. Pour améliorer l’implication et l’engagement des consultants, les sociétés de conseil renouvellent leur système d’incitations financières, offrent de meilleures conditions de travail et investissent dans la formation… Le renforcement de l’image-employeur est également un chantier prioritaire. La course à la diversification est certes une voie empruntée depuis plusieurs années par les leaders. Jusqu’ici, ces derniers ont cherché à investir les grands champs connexes du conseil en management que sont le conseil IT. Ils misent désormais sur le développement durable et l’engagement sociétal des entreprises. Le conseil auprès des fonds d’investissement est aussi un segment porteur. Les cabinets leaders ne cherchent plus à résoudre des problèmes complexes mais à mettre en œuvre des solutions performantes et innovantes qui répondent spécifiquement aux besoins des clients. McKinsey propose par exemple plus de 85 solutions logicielles, développées en interne et mises à la disposition de ses clients moyennant une redevance. L’international constitue un relais de croissance important. Les États-Unis et le Canada apparaissent actuellement comme des zones de développement prioritaires pour les cabinets français de taille moyenne.
Guerre des talents, financiarisation, offensives concurrentielles : quelles perspectives pour la profession d’ici 2023 ?
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