AVIS D'EXPERT | Matteo Neri | Publié le 21 Janvier 2022
CommerceAlimentaireIndustrieMode de distribution historique du commerce de détail, le vrac a pâti de l’émergence des grandes surfaces alimentaires dans les années 1960. Très vite jugé incompatible avec le libre-service, notamment pour des questions de coûts, le vrac a laissé la place au préemballé, qui constitue la pierre angulaire de l’avènement des grandes marques des PGC et de l’ère de la consommation de masse. Au fil des ans, l’emballage a pris une place aussi importante que le produit, d’abord pour ses fonctionnalités essentielles (protection, transport et stockage du produit) mais aussi et surtout pour ses fonctionnalités secondaires (informations servicielles, marketing). Ces dernières années, la résurgence du vrac sous une nouvelle forme, celle du libre-service en trémies et bacs, est étroitement liée à l’essor des magasins bio, mais aussi à une prise de conscience collective de l’importance des questions environnementales, et à la diffusion des comportements d’achat militants.
Depuis février 2020, le terme vrac est entré dans le code de la consommation qui stipule « la vente en vrac se définit comme la vente au consommateur de produits présentés sans emballage, en quantité choisie par le consommateur, dans des contenants ré-employables ou réutilisables. La vente en vrac est proposée en libre-service ou en service assisté. Elle peut être conclue dans le cadre d'un contrat de vente à distance ». Loin d'être anecdotique, la définition du vrac revêt aujourd'hui un caractère central, notamment pour bien comprendre les implications de la loi Climat et Résilience qui prévoit qu'au 1er janvier 2030, les commerces de vente au détail dont la surface est supérieure ou égale à 400 mètres carrés consacrent au moins 20% de leur surface de vente de produits de grande consommation (ou un dispositif d’effet équivalent) à la vente de produits présentés sans emballage primaire, y compris la vente en vrac.
Ainsi, le vrac au sens de la loi ne concerne pas seulement le vrac secs en trémies et bacs, mais aussi les formes historiques de vrac tels que les « produits frais traditionnels » (PFT) des GSA, qu'ils soient vendus à la pesée en libre service (fruits et légumes, boulangerie) ou en vrac assisté (boucherie, charcuterie, poissonnerie, crémerie à la coupe). Ces "zone marché" représentent déjà près de 18% du chiffre d'affaires tous produits des GSA d'après Iri, soit plus de 24 Md€ en 2021. Elles constituent par ailleurs un éléments de différenciation majeur pour les enseignes. En l'attente de précision sur le décret devant « préciser les objectifs à atteindre en fonction des catégories de produits », la loi Climat et Résilience pourrait donc favoriser les investissements des enseignes sur leurs rayons PFT plutôt que sur le vrac en trémie.
Avec des ventes qui s’élevaient à 1,3 milliard d’euros en 2021, soit environ 10% du marché bio, le vrac en trémies et bacs est désormais entré dans les habitudes de consommation d’une partie de la population. Pour l'heure, le marché se partage entre les GMS (49% en 2020) et les magasins Bio (46%), le solde étant réalisé par les épiceries spécialisées à l'image de Day by Day, Mademoiselle Vrac ou Mamie Mesure, dont le nombre explose ces dernières années. En matière de produits, plus de 95% du chiffre d'affaires reste le fait de produits d'épicerie sucrée ou salé, pour l'essentiel en bio et sous marque blanche. Si le marché a souffert de la crise sanitaire en 2020 et 2021, l’environnement réglementaire favorable, l’entrée en piste des grandes marques des PGC et l’extension de l’offre à de nouvelles catégories de produits devraient soutenir les ventes à l’horizon 2025.
Néanmoins, de nombreux irritants freinent encore la demande, tandis que du côté de l’offre, un modèle économique conjuguant marques et vrac reste à inventer pour contourner les problèmes liés à la complexité et aux coûts de la chaîne logistique. En effet, si le modèle économique du vrac semble bien établi dans les circuits historiques (magasins bio) et spécialisés, il n’en va pas de même en grande distribution où, malgré la suppression des emballages primaires, le vrac reste structurellement plus coûteux que le préemballé, ce qui explique d’ailleurs (et c’est contre-intuitif) des prix plus chers en GMS qu’en magasins bio. Le vrac implique en effet une reconfiguration de la chaîne logistique, mais aussi un transfert des fonctions historiquement supportées par l’emballage (conservation, hygiène, traçabilité, informations légales, etc.) vers le personnel du magasin, induisant des surcoûts assez significatifs. Par ailleurs, malgré des progrès certains en matière d’équipements, le vrac reste la source de nombreux coûts cachés pour les distributeurs : hausse de la « démarque », pesée en caisse chronophage, faible rapport chiffre d’affaires / m² de linéaire, coût d’entretien du rayon, etc. Pour l’heure, l’offre full service du spécialiste Un air d’ici (Juste Bio) semble s'être imposée. Avec 78 M€ de chiffre d’affaires (2020), Juste Bio est devenu en seulement 5 ans un acteur incontournable du vrac en GMS. Son modèle original réside dans une offre complète (produits, mobilier et trémies, nettoyage et réassort, avec livraison directe en magasin plutôt qu’en entrepôt) difficilement reproductible pour les grandes marques. C’est d'ailleurs pour ces grandes marques que l’Ilec (Institut de liaisons et d'études des industries de consommation) a réalisé en juin 2021 une étude avec le cabinet Bartle et plusieurs acteurs de l’écosystème vrac afin d’évaluer la viabilité des modèles conjuguant marques et vrac à une échelle industrielle. Il en ressort qu’un modèle disposant d’une rentabilité équivalente à celui du préemballé est possible en GMS d’ici 3 à 5 ans, mais nécessite la structuration d’une filière avec d’une part des logisticiens en charge du reconditionnement et / ou de la gestion des trémies (remplissage) à l’image de FM Logistic, et d’autre part des entreprises spécialisées dans le nettoyage des bacs, trémies et autres contenants à l’image de Uzaje, Bout à Bout, Alpes Consignes, ou encore Rebouteille.
Stratégies des grandes marques des PGC, modèles économiques, structuration de la filière : quelles perspectives à l’horizon 2025 ?
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