AVIS D'EXPERT | Matteo Neri | Publié le 11 Juillet 2022
CommerceAlimentaireLes Français ont déjà sérieusement modifié leurs façons de remplir leur caddie. Boom des ventes sous promotion et des MDD premiers prix ou encore repli du bio : la descente en gamme de la filière alimentaire au premier semestre 2022 contraste avec la dynamique de la décennie écoulée. Véritable sismographe du pouvoir d’achat, le marché alimentaire a en effet immédiatement réagi à l’envolée des prix, enclenchant une spirale destructrice de valeur pour les professionnels. Alors que l’hypothèse du simple choc conjoncturel s’éloigne chaque jour un peu plus, la perspective d’un nouveau cycle marqué du sceau de l’inflation constituerait un véritable changement de paradigme pour les industriels et les distributeurs.
En première ligne et impactés à tous les niveaux (recul des commandes, progression des importations et marges sous pression), tous les industriels ne seront pourtant pas logés à la même enseigne. S’il est difficile de déterminer les gagnants et les perdants du jeu des vases communicants, les arbitrages de consommation affecteront plutôt les boissons, les produits de la mer et carnés, les fruits et légumes bruts que les produits laitiers et la boulangerie. De la même façon, les marques premium, non conventionnelles et présentes sur des produits perçus comme coûteux seront davantage exposées que les MDD premiers prix, sans allégation et sur des produits ressentis comme économiques ou indispensables. En revanche, pour les IAA positionnées entre les deux extrémités du spectre, la crise représente à la fois un risque et une opportunité. D’où la nécessité d’activer de nouveaux leviers pour tirer parti des changements en cours. Parmi ceux-ci, la gestion du pricing est un élément de réponse même si c’est un vrai casse-tête en période d’inflation.
A l’exception de l’année 2020, les GSA ont cédé du terrain chaque année. Grâce à leur positionnement et image prix, leur concept permettant de faire le plein d’essence (parfois à prix coûtants) et les courses en une seule fois, et donc de limiter les dépenses de déplacement, les hypermarchés de plus de 2 500 m² bénéficient d’un regain d’intérêt depuis le début de l’année. Les recettes sont éprouvées entre les opérations chocs sur les carburants, les outils de fidélisation (carte, abonnement…), les promotions tous azimuts, les annonces chocs (comme la baguette à 29 centimes) ou encore la mise en avant des MDD premiers prix. En toute logique, les enseignes généralistes les plus compétitives en termes de prix (Intermarché, Magasins U, E.Leclerc et Casino) ont regagné des parts de marché entre février et mai 2022. Carrefour a, lui, payé le prix de sa stratégie de pricing consistant à répercuter rapidement les hausses de ses fournisseurs pour préserver ses marges. Et contre toute attente, les discounters Lidl et Aldi n’ont pas bénéficié de la crise du pouvoir d’achat. L’absence de station-service et d’opérations spéciales sur les carburants a sans doute joué en leur défaveur. En somme, les relations entre industriels et GSA promettent plus que jamais d’être ardues.
Quelles perspectives et leviers d’action pour préserver les marges et les parts de marché en 2023 ?
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